En Arle

Je me méfie : je vérifie, divise ma nostalgie en menues parcelles, sépare ses filaments, m’efforce de parvenir à sa source, m’expliquer cette incessante impression d’être suspendu entre l’ici et là-bas. Rien à faire, la nostalgie revient au moment où je sens que la terre se met à tourner trop vite sous mes pieds, qu’il me faut trouver un refuge, quand je veux m’arrêter un instant, jeter un regard en arrière, retrouver les climats oubliés de l’enfance, les voix, les odeurs d’un monde qui n’est plus, qui n’a peut-être jamais existé – le parfum des pierres sous une pluie de printemps, de la fumée du bois fruitier qu’on brûle, des iris fleuris dans un fossé en bordure de la route, des jardins au matin de Pâques sous la blanche odyssée de nuages, quand les cloches se mettent à sonner… et surtout quand je ressens le besoin de retrouver la foi en un ordre, immuable et rassurant, de tout ce qui existe.